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Récession inévitable

Le Credit Suisse publie le «Moniteur Suisse» pour le 1er trimestre 2020

Dans la publication trimestrielle «Moniteur Suisse» éditée aujourd'hui, les économistes du Credit Suisse, pleinement conscients des nombreuses inconnues, émettent une première évaluation des répercussions de la pandémie de coronavirus sur l'économie suisse. Ils estiment qu'une récession est inévitable dans notre pays même si les mesures prises par le Conseil fédéral et leur mise en œuvre rigoureuse par la population et les entreprises permettent de freiner le taux de contamination. Néanmoins, le gros du ralentissement ne devrait pas dépasser deux ou trois mois, notamment grâce aux énergiques mesures de soutien décidées par les autorités monétaires et budgétaires à l'étranger comme en Suisse, et la reprise qui suivra sera progressive. Selon ce scénario modérément positif, il devrait être possible de limiter la baisse du PIB à environ 0,5% en moyenne annuelle. Les économistes du Credit Suisse n'attendent pas de repli prononcé des investissements des entreprises ni du marché immobilier tandis que les exportations pharmaceutiques en particulier devraient continuer à soutenir la contribution du commerce extérieur. Toutefois, si la pandémie ne peut pas être endiguée rapidement, il faut s'attendre à des revers plus graves.

L'évolution de la pandémie est cruciale
L'évolution de la pandémie est le facteur décisif, non seulement pour les conséquences sanitaires, mais aussi pour l'activité économique, laquelle est fortement impactée, à quelques exceptions près, par les mesures prises dans les différents pays pour contenir la propagation du virus. Cela vaut également pour les principaux partenaires commerciaux de la Suisse. Cependant, si la progression de la pandémie est entravée, il devrait être possible d'assouplir progressivement les mesures sanitaires parfois draconiennes, ce qui redynamisera graduellement l'activité économique. Pour que la période de confinement n'ait que des conséquences mineures à moyen et à long terme, il est essentiel que des mesures de politique financière soient prises rapidement, sans bureaucratie et à grande échelle. C'est le scénario qui semble se profiler à l'horizon chez les principaux partenaires commerciaux et en Suisse elle-même. En Allemagne, par exemple, les impulsions budgétaires devraient représenter plus de 10% du PIB, et quelque 6% aux États-Unis comme en Suisse d'après les annonces actuelles. Il est essentiel que cette crise ne provoque pas une vague de défaillances de paiement chez des entreprises par ailleurs saines et que les mesures de soutien garantissent le versement des salaires de leurs employés, lequel risque de s'interrompre en raison des baisses de commandes. Le système de chômage partiel mis en œuvre en Suisse et en Allemagne sert parfaitement cet objectif

La stabilisation du système financier est essentielle
Mais pour que ces mesures soient efficaces, il est essentiel de stabiliser le système financier. Ces dernières semaines, les tensions sur les marchés financiers ont parfois pris une ampleur similaire à celle de la crise financière de 2008/2009 bien que les banques affichent une capitalisation nettement supérieure. La raison principale à cela réside dans le fait que divers investisseurs ont massivement trouvé refuge dans les liquidités, un phénomène qui a également malmené le marché des obligations d'État à long terme. Entre-temps, les mesures d'urgence introduites principalement par la Réserve fédérale américaine (Fed) ont apporté un apaisement qui, espérons-le, sera durable. Les décisions prises par la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque nationale suisse (BNS) contribuent elles aussi à pallier le manque de liquidités des entreprises. Les cautionnements des prêts aux entreprises sont également un très bon moyen de maintenir le flux des crédits.

Récession chez de nombreux partenaires commerciaux
Malgré toutes ces mesures, les principaux partenaires commerciaux de la Suisse ne pourront pas éviter la récession. Les économistes s'attendent à ce que l'activité économique recule de 10 à 20% au cours des trois prochains mois dans la plupart des pays européens. Aux États-Unis, le repli ne sera pas sensiblement plus faible. Par contre, la Chine et quelques autres pays asiatiques comme la Corée du Sud semblent déjà avoir atteint le plus bas de la récession et amorcer une timide reprise, ce qui amortit en partie le ralentissement mondial. En revanche, la contraction ne fait que commencer sur d'autres marchés émergents tels que l'Inde et le Brésil. Dans l'ensemble, le Credit Suisse prévoit une croissance légèrement négative pour l'économie mondiale en 2020, alors que ses prévisions en février 2020 faisaient encore état d'une expansion de 2,6%.

Récession pratiquement inévitable en Suisse également
En raison de l'évolution de ses partenaires commerciaux et de sa propre l'économie nationale, la Suisse va probablement enregistrer en 2020 une croissance nettement inférieure à ce qui était prévu récemment encore. Elle ne pourra pas éviter un grave effondrement, surtout à court terme. Cependant, les économistes du Credit Suisse tablent sur une baisse plus limitée de 0,5% du produit intérieur brut (PIB) en moyenne annualisée. Ils se fondent en effet sur l'hypothèse que la situation exceptionnelle actuelle ne durera que jusqu'à la mi-mai et qu'elle se détendra progressivement par la suite. Toutefois, si la pandémie venait à se prolonger, il faudrait s'attendre à un affaiblissement plus persistant de la croissance.

Recul des exportations
Les conséquences de la crise devraient frapper l’activité d’exportation suisse de plein fouet dans les mois qui viennent. La récession attendue en Europe, en particulier, affectera durement la demande de biens suisses. Globalement, le volume d’exportation total des entreprises helvétiques devrait cependant baisser moins fortement cette année que lors de la récession mondiale de 2009. Cela tient notamment au fait que les produits pharmaceutiques constituent désormais une part nettement plus importante des marchandises exportées. Or, les exportations de ce type sont peu réactives aux fluctuations conjoncturelles temporaires à l’étranger et contribuent ainsi à maintenir une certaine stabilité. Néanmoins, le ralentissement prévu de l’économie mondiale devrait provoquer à lui seul un recul prononcé de la croissance du PIB suisse.

Les industries MEM et horlogère très affectées par le fléchissement à l'étranger
La section d'étude approfondie (Focus) du Moniteur Suisse montre que le succès des exportations de ces vingt dernières années s'explique en particulier par la forte croissance de la Chine et des États-Unis, ainsi que par l'augmentation de la demande mondiale de produits pharmaceutiques. Les résultats de ces analyses sont particulièrement utiles dans le contexte actuel, car ils mettent en évidence quels secteurs d'exportation devraient être plus ou moins sévèrement touchés par le ralentissement de l'expansion à l'étranger ou par la récente appréciation du franc. La contraction actuelle de la croissance en Europe et aux États-Unis risque d'être particulièrement douloureuse pour les industries mécanique, électrique et métallurgique (MEM). Les calculs réalisés par les économistes du Credit Suisse suggèrent que les exportations de ces secteurs réagissent fortement aux évolutions conjoncturelles et aux fluctuations des taux de change. Les montres suisses, généralement considérées comme des produits de luxe, devraient également pâtir du recul de la consommation, car elles sont elles aussi très sensibles aux variations de la croissance du PIB à l'étranger. En revanche, elles sont moins susceptibles d'être affectées par la nouvelle appréciation du franc selon l'analyse du Credit Suisse, laquelle révèle également que les exportations de produits pharmaceutiques résistent globalement bien aux ralentissements temporaires de la croissance économique ainsi qu'aux effets négatifs d'une appréciation du franc. Ce secteur, qui représente près de 40% du total des exportations suisses de marchandises, est donc particulièrement important en ces temps de turbulences.

Recul temporaire de la consommation, suivi de certains effets de rattrapage
La consommation des ménages en Suisse devrait être encore plus durement impactée dans les prochains mois. On évalue qu'un tiers environ des dépenses de consommation moyennes concernent des biens et des services moins demandés actuellement ou dont la consommation n’est tout simplement plus possible. En outre, l'immigration nette devrait ralentir considérablement en raison de la fermeture des frontières et de la diminution du nombre de nouvelles embauches. Le Credit Suisse estime qu'elle devrait être de 35 000 à 40 000 personnes pour l'ensemble de l'année 2020 (contre 53 000 en 2019). Néanmoins, la consommation pourrait se normaliser, au moins partiellement, dès que le confinement sera levé, pour deux raisons: d'une part, l'inflation négative (prévision: -0,3%) augmente le pouvoir d'achat. D’autre part, la situation sur le marché du travail, qui est importante pour le sentiment des consommateurs, devrait se révéler relativement stable. Grâce au travail partiel, le taux de chômage ne devrait augmenter que modérément, passant progressivement de 2,3% actuellement à 2,9% d'ici à la fin de l'année d'après les prévisions des économistes du Credit Suisse.

Le soutien des nombreux travailleurs indépendants est également essentiel
Le recours au chômage partiel sera nettement supérieur à celui 2009: selon les estimations du Credit Suisse, plus d'un demi-million de personnes, soit 10% de l'ensemble des salariés, travaillent dans les secteurs directement affectés par le confinement imposé par le Conseil fédéral. En outre, un nombre très important d'indépendants sont actifs dans ces branches: plus de 100 000 personnes seraient ainsi touchées. La caisse d'assurance-chômage et la Confédération sont néanmoins en mesure de supporter le volume attendu de quelque 3 milliards de francs par mois pour le chômage partiel. En dépit de toutes les mesures, la consommation des ménages devrait toutefois diminuer en moyenne annuelle pour la première fois depuis 1993. Cette baisse éliminerait, au moins provisoirement, un élément tampon important pour la croissance suisse.

Réduction temporaire des dépenses d'investissement
Compte tenu de l'affaiblissement de la demande mondiale, du niveau élevé d'incertitude et des difficultés concrètes liées à la pandémie de coronavirus, les entreprises réduiront leurs investissements pendant un certain temps tout au moins. Cependant, les économistes du Credit Suisse ne prévoient pas de véritable effondrement dans ce domaine sur l'ensemble de l'année en Suisse, en tout cas pas si la fin de la situation exceptionnelle se profile à l'horizon. En outre, les responsables politiques sont parvenus à un consensus sur le fait que les interruptions des chaînes d'approvisionnement et les faillites d'entreprises doivent être évitées autant que faire se peut. Mais il ne sera possible d'écarter une récession plus profonde que si la pandémie de coronavirus est rapidement maîtrisée et si les répercussions négatives du confinement nécessaire imposé par l'État peuvent être atténuées.

Le coronavirus ne met pas le marché immobilier à genoux
Suite à l'agitation des marchés boursiers et à l'extension rapide de la crise au monde entier, d'aucuns craignent également que le choc lié au coronavirus ne déstabilise l'immobilier helvétique et ne plonge la Suisse dans une crise immobilière. Des pertes de valeur de deux chiffres ont déjà été envisagées. Or, les économistes du Credit Suisse estiment que de telles prévisions sont très peu probables au vu de l'analyse des faits. Certes, il ne sera pas possible d'empêcher que le marasme actuel malmène le marché immobilier suisse, mais il ne le mettra pas à genoux.

Le marché du logement reste le pilier de l'immobilier
En tant que pilier de l'immobilier suisse, le marché du logement demeure solide et ne devrait aucunement enregistrer des ventes massives. Pourquoi? Actuellement, la propriété du logement est la forme d'habitat la plus avantageuse en comparaison directe avec la location. Compte tenu de la faiblesse des taux d'intérêt hypothécaires, des milliards que les propriétaires ont pu économiser sur les charges d'intérêts ces dernières années et du durcissement récurrent des réglementations qui ne permettent qu'aux personnes fortunées d'accéder à la propriété, le Credit Suisse ne s'attend pas non plus à une augmentation importante des défauts de paiement dans le domaine hypothécaire. En outre, le niveau très bas des intérêts mais aussi le faible taux de production de logements en propriété (40% en dessous de la moyenne à long terme) auront un effet favorable.

Immeubles résidentiels de rendement: plutôt des acquisitions que des ventes
Les investisseurs hésiteront beaucoup à tourner le dos au segment des immeubles résidentiels de rendement, car les revenus locatifs offrent une plus grande sécurité que les autres flux de liquidités. Au contraire, une fois que les ondes de choc les plus fortes sur les marchés des capitaux se seront atténuées, on peut s'attendre à ce que la demande des investisseurs augmente, d'autant plus que la fin de la période de taux d'intérêt négatifs s'est encore éloignée. Même si le nombre d'appartements locatifs vacants s'élève de 7000 à 8000 unités (+3000 par rapport à 2019) en raison du recul de l'immigration (baisse nette de 10 000 à 15 000 personnes prévue pour 2020) et de la diminution de la demande intérieure, le rendement sous forme d'afflux nets de liquidités ne devrait s'en trouver réduit que de façon marginale, de l'ordre d'une décimale. Les problèmes du marché du logement se limitent en grande partie au segment du luxe, aux appartements avec services qui dépendent fortement du tourisme d'affaires et, si la crise se prolonge, aux promoteurs de logements en propriété.

Revers pour l'immobilier commercial
En revanche, les revers seront plus sévères dans le secteur de l'immobilier commercial. Les économistes du Credit Suisse s'attendent à un certain nombre de faillites, de cessations d'activités et de réductions de taille, en particulier dans le commerce de détail stationnaire et dans l'hôtellerie, car ces deux secteurs sont affaiblis par d'importants changements structurels (commerce en ligne et vigueur du franc). Les pertes de revenus enregistrées par les locataires devraient se répercuter sur les propriétaires de locaux commerciaux et d'hôtels, d'autant que ceux-ci voient déjà leurs recettes diminuer du fait de la pratique courante dans ce secteur des baux au prorata du chiffre d'affaires. Cependant, comme la part du commerce de détail et de l'hôtellerie dans l'immobilier suisse n'est que de 5 à 6% environ, le recul de ce secteur ne devrait pas dépasser un cadre bien défini. S'agissant des bureaux, la demande de surfaces supplémentaires va s'effondrer en raison de la grande incertitude des acteurs du marché. En conséquence, la tendance baissière des taux de vacance devrait s'inverser, mettant un terme brutal à la hausse des loyers. Malgré la reprise économique attendue au second semestre, le marché des bureaux mettra probablement plus d'un an à se remettre de ce revers.


La publication trimestrielle «Moniteur Suisse» est disponible sur Internet en français, en allemand et en anglais à l’adresse: www.credit-suisse.com/moniteursuisse

Le prochain numéro paraîtra le 18 juin 2020.