La solution au stockage d'énergie: le Saint Graal?
Pour répondre à la hausse de la demande mondiale, de nouvelles solutions énergétiques s'imposent. Par chance, les énergies renouvelables pourraient bientôt s’avérer plus rentables que les traditionnelles.
La consommation énergétique augmentant aussi vite que la population mondiale et l'urbanisation, la demande mondiale devrait croître de 43% d'ici 2040, suscitant des inquiétudes quant à l'approvisionnement énergétique. «La consommation énergétique par tête est déjà en forte hausse dans les principales économies émergentes – une tendance qui devrait se poursuivre. Sans gain d'efficience supplémentaire et en considérant la convergence de la consommation énergétique vers les niveaux de l'OCDE, nous assistons à une plus forte demande des marchés émergents, de 2,5 fois le total actuel de l'Europe et des Etats-Unis réunis», déclare Eugène Klerk, Global Thematic and ESG Research au Credit Suisse. Des gains d'efficience, notamment liés au transport de produits pétroliers et de biocarburants, sont possibles d'ici quelques années, mais ce n'est pas suffisant. Il est donc urgent de trouver des solutions à des questions comme le stockage d'énergie, lié à l'évolution des technologies de batterie, et l'exploitation des sources d'énergie renouvelable. Selon Vincent Gilles, responsable European Utilities Research, «le stockage, tel un Saint Graal, représente peut-être le principal bouleversement que le secteur ait connu depuis des décennies».
La solution au stockage transformerait le secteur tout entier
Aucun pays développé ne voudrait ou ne pourrait se priver d'électricité plus de quelques minutes. L'électricité ne pouvant être stockée, le modèle commercial du secteur a tendance à surcompenser pour assurer l'approvisionnement en électricité, consacrant à la production en période de pointe une part bien lucrative de ses affaires. D'après M. Gilles, «un stockage peu cher mais fiable, écarte cette incitation et nuirait à la rentabilité de la production traditionnelle». Mais les prix de l'énergie restent faussés par les subventions, entrainant un ralentissement dans la course à l'énergie propre compétitive. Sur l'année en cours , le FMI estime que les subventions mondiales peuvent atteindre 5,3 billions USD, le charbon étant le principal bénéficiaire (fig. 1). «Si les prix des matières premières reflétaient les coûts (de la nuisance environnementale locale), les prix du pétrole, du gaz naturel et du charbon seraient au moins deux fois plus élevés», affirme M. Gilles. Et d'ajouter: «Une tarification efficiente amplifierait la demande de combustibles non fossiles.»
La capacité de stockage d'énergie: un marché sous-développé
Elle représente à l'échelle mondiale 2,2% de la capacité de production annuelle. Le potentiel de croissance est donc énorme. Pour le développer, les chercheurs se concentrent sur des matériaux et des compositions chimiques pour créer des batteries alternatives et développer des stratégies de redéploiement des batteries de véhicules électriques (VE). Le stockage est la clé pour rendre les énergies renouvelable et solaire plus attrayantes. En effet, les énergies renouvelables subissent l'effet de l'énergie «variable». L'énergie solaire ou éolienne est parfois produite quand elle n'est pas nécessaire et vice versa. «Accroitre la capacité de stockage réduirait la variabilité. De plus, une plus grande capacité au sein du réseau améliorerait la qualité de l'énergie et la fiabilité de l'approvisionnement», assure M. Klerk. Les experts prévoient une chute des coûts du stockage pouvant aller jusqu'à 75% entre 2012 et 2030. M. Klerk souligne que «cette baisse, conjuguée à celle des prix des modules photovoltaïques (PV), devrait contribuer à la compétitivité d'un service intégré de stockage de l'énergie solaire par rapport aux autres sources d'énergie».
«Nouvelles énergies» vs «anciennes énergies»: le combat de la rentabilité
Les sources alternatives deviennent plus efficaces et moins onéreuses. Leurs rendements augmentent, tandis que ceux des producteurs d'énergie traditionnelle s'amoindrissent. «D'ici cinq ans, il est probable que, sans subvention, les "nouvelles énergies" soient plus rentables que les "anciennes"», précise M. Gilles. L'un des facteurs clés est la baisse continue des coûts des énergies dites de «première génération», comme l'énergie éolienne et solaire. Dans de nombreuses régions, l'éolien terrestre est déjà en «parité réseau», c.-à-d. compétitif avec le combustible fossile. Il en va de même pour l'énergie solaire. Les coûts de celle-ci à l'échelle commerciale ont chuté de 60% depuis 2011, la rendant compétitive (sans subvention) dans au moins 15 pays par rapport au coût de construction d'une centrale au gaz naturel. Néanmoins, l'énergie solaire reste moins profitable que le charbon. (écart de 25%). En 2014, elle représentait un tiers de la capacité de production des Etats-Unis, propulsée par des coûts (d'installation) en baisse. «L'énergie solaire est sous-estimée et pourrait atteindre 21 mio.bep (millions de barils équivalent pétrole) d'ici 2040. Cependant, les combustibles fossiles représenteraient toujours plus de 70% de l'approvisionnement, avec des émissions de CO2 considérables provenant des centrales au charbon, et une fragilité dans le complexe pétrolier due au déclin sous-jacent de la production. Une efficacité et une transformation énergétiques plus affirmées sont nécessaires» dit Edward Westlake, Co-responsable Global Equity Oil and Gas Research (fig. 2).
Le coût des batteries diminue plus vite que prévu
L'amélioration du stockage et le marché des VE sont liés au coût des batteries. «Le coût actuel des batteries est inférieur aux prévisions des experts», constate Dan Galves, analyste US Automotive and Auto Parts Research. Le constructeur Tesla prouve que les VE à batterie sont plus qu'un segment de niche. «Il n'y a aucune raison pour que le reste de la branche ne rattrape pas son retard», déclare-t-il. La part de marché de la Model S a atteint près de 20% dans son segment de prix, malgré les contraintes d'approvisionnement, un système de vente immature et l'absence de publicité. «Une demande croissante de VE à batterie induira une hausse des investissements dans la capacité des batteries et donc une baisse des coûts. Ces batteries créent un réseau plus stable qui consomme de l'énergie en période creuse, ce qui laisse présager une plus grande proportion de la production d'énergie renouvelable» note M. Galves. Tous ces facteurs rendent l'énergie moins chère, réduisant ainsi les coûts d'exploitation des VE. Cela permet de réduire aussi les coûts des batteries et favorise donc l'achat de VE. Il y a fort à parier que le nombre de VE grimpe en flèche d'ici quelques années (fig. 3), d'autant que l'autonomie des modèles simples de VE s'améliore. Tesla propose déjà une autonomie dépassant les 200 miles (322 km), mais devrait être rattrapé d'ici 2020. Les constructeurs traditionnels ne peuvent plus se reposer sur leurs lauriers.